Olivier Dekokere : Le secteur de l’agroalimentaire se lance dans la lutte contre la déforestation

De nombreuses entreprises agroalimentaires, notamment dans le secteur de l’huile de palme, du cacao ou du soja, se sont volontairement engagées à appliquer le principe « zéro déforestation ». Ces entreprises sont responsables d’environ 70% de la déforestation mondiale. En 2015, l’organisme Global Forest Watch a indiqué que les forêts tropicales ont perdu 10 millions d’hectares de leur surface, ce qui fait que la déforestation reste à des niveaux très élevés. D’ailleurs, plus de 80% des terres déboisées le sont pour un usage agricole et l’industrie agroalimentaire représente les deux tiers de la déforestation en Amérique latine et un tiers en Afrique. De plus, la firme agroalimentaire implique aussi les petits producteurs dans la déforestation. En effet, elle encadre la diversification des productions vers des cultures pérennes via la contractualisation ou le suivi des producteurs par le biais des coopératives qui les approvisionnent.
Face à cette situation problématique, de nombreux acteurs de l’agroalimentaire se mobilisent pour lutter contre la déforestation. Dans cet article, nous verrons quelles sont les manœuvres qu’ils mettent en place et, d’après les sources d’un acteur du secteur, Olivier Dekokere, nous nous attarderons sur un sujet particulier et spécifique : l’élevage d’insectes pour l’agriculture durable.

Les engagements pris par les géants de l’agroalimentaire

Incitées par les instances gouvernementales et les citoyens qui achètent moins leurs produits, l’industrie agroalimentaire cherche à bannir de leurs chaînes d’approvisionnement les productions issues de la déforestation, les géants de l’agroalimentaire ont dorénavant commencé à se mobiliser. Ils ont notamment joué un rôle important lors de la Déclaration de New York sur les forêts, en 2014.
Lors de cet évènement, le Consumer Goods Forum (soja) et la Tropical Forest Alliance (huile de palme), ainsi que d’autres entreprises agroalimentaire, se sont engagées à réduire de moitié la déforestation dans le monde d’ici 2020 et carrément y mettre fin en 2030. D’un autre côté, d’autres firmes se sont engagées à se fournir en huile de palme produite sans déforestation comme l’Indonésien Wilmar. Pour finir, la Côte d’Ivoire et l’Indonésie se sont engagés à soutenir ces efforts.
Bien que ces engagements soient louables, il est nécessaire d’en informer le consommateur. De ce fait, il est possible de mettre en place différents moyens pour que ce dernier soit au courant qu’il achète des produits « zéro déforestation ». Pour ce faire, il est possible de mettre en place un système d’information foncière géo-référencé en milieu rural.
Enfin, il est possible inciter les agriculteurs à lutter contre la déforestation avec des compensations financières. C’est notamment le rôle des PSE.

Les PSE, des paiements au service de l’environnement

En France, on trouve des mesures pouvant être comparés aux PSE. On parle des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). D’après la Commission européenne, les MAEC ont pour but d’encourager les agriculteurs à valoriser et à préserver l'environnement. Ce sont des contrats dans lesquels les agriculteurs s’engagent à adopter des pratiques en faveur de l’environnement en contrepartie de rémunérations compensatoires. Dans le cadre de ces dispositifs, l’exploitant adopte des pratiques environnementales règlementées. En contrepartie, l’administration s’engage à lui verser un financement public afin de couvrir les coûts supplémentaires engendrés par ces actes, les coûts de transaction ainsi que les pertes de revenus. Les PSE (paiements au service de l’environnement) peuvent, effectivement, constituer un instrument pour décupler le développement agricole « zéro déforestation ».
Les PSE sont des contrats écrits, individuels ou collectifs, volontaires et conditionnels. C’est-à-dire que les paiements sont versés lorsque les engagements ont bien été tenus. Ils fonctionnent de la manière suivante : les paiements au service de l’environnement rémunèrent des personnes pour un usage écologique des terres.
Il existe deux types différents de PSE : les PSE d’investissement et les PSE de restriction de droits d’usage. C’est la combinaison de ces deux types qui permettrait de favoriser le développement durable des forêts et stopper la déforestation car les PSE d’investissement accompagnent les petits producteurs dans leur pratiques agroécologiques et les PSE collectifs financent les communautés pour conserver leur territoire. Les PSE peuvent représenter un moyen de financement intéressant mais il en reste beaucoup d’autres.

Comment financer toutes ces actions ?

Pour que l’objectif « zéro déforestation » soit mis en place dans les temps, les géants de l’agroalimentaire doivent accompagner les agriculteurs familiaux sous contrat pour qu’ils respectent le cahier des charges établi. Pour ce faire, il doit y avoir une participation financière de la part des entreprises et une rémunération supplémentaire des agriculteurs. De plus, il est possible de financer leur formation et leurs infrastructures de base comme des pépinières. Même s’il est envisageable de recourir à des financements internationaux pour la lutte donc la déforestation et le changement climatique, il est recommandé de faire appel à des subventions nationales ce qui mettra ce programme à l’abri des aléas des financements internationaux.
Ensuite, pour assurer des ressources financières suffisantes et pérennes, il est tout à fait possible de mettre en place un système de redevances qui vient se greffer au programme PSE. Cette redevance est à différencier d’une taxe sur la pollution. Elle se définit plus comme une fiscalité de rendement dont le produit est affecté au financement d’un bien public comme l’amélioration de la qualité environnementale des territoires ruraux, par exemple, en replantant des arbres sur les exploitations agricoles. Contrairement à une écotaxe, cette redevance n’a pas pour but de faire diminuer la consommation du support de la redevance car cela mettrait en péril le financement du programme de PSE. De plus, elle est applicable à plusieurs supports : les boissons en bouteilles, l’eau, et même des secteurs non agroalimentaires comme les paris sportifs ou le carburant. Cette redevance viendrait s’ajouter à la TVA pour que les consommateurs finaux financent localement une agriculture plus durable et écologique qui lutte contre la déforestation.
En France aussi nous avons des innovations en terme d’agriculture durable et écologique qui lutte contre la déforestation. Olivier Dekokère, un expert dans le secteur de l’agroalimentaire, nous a d’ailleurs fait parvenir des sources sur l’Entomo Farm, une start-up française basé à Libourne qui transforme et distribue des matières premières pour l’agroalimentaire issues des insectes. Retour sur cette entreprise française.

Entomo Farm, l’élevage d’insectes pour demain

Le système de production alimentaire mondial est arrivé à ses limites et ne peut plus faire face aux défis actuels. Depuis 1970, la consommation mondiale en protéines animales (volailles, viandes, poissons) est en hausse continue(environ 8% par an). Ce phénomène revient essentiellement à la croissance démographique ainsi que l’augmentation du niveau de vie des populations. De ce fait, la situation actuelle pèse lourdement sur les ressources planétaires et contribue à leur épuisement, et ce pour une simple raison : l’humanité consomme beaucoup plus que ce que la planète est capable de produire chaque année. Face à ces défis, de nouvelles solutions doivent être trouvées pour couvrir les besoins alimentaires de demain. A cet effet, les insectes peuvent être une excellente alternative de par ses nombreuses qualités qui en font la solution d’avenir pour nourrir le sol, les animaux, et éventuellement les Hommes. L’Entomo Farm part d’une idée simple : et si la culture des insectes devenait le modèle d’élevage de demain, à la fois vertueux écologiquement et viable économiquement. Entomo Farm fournit aux agriculteurs les outils, les matières nécessaires ainsi que le savoir-faire, pour qu’ils puissent se charger de transformer les insectes en fertilisants organiques, huiles ou encore farines.
En effet, la consommation mondiale de protéines a doublé en moins de 50 ans et son impact est sans précédent sur l’environnement : elle participe à la déforestation et favorise fortement les émissions de gaz à effet de serre. La start-up française a donc mis en place une véritable alternative en fabricant des produits hyper protéinés à base d’insectes. Grâce à un procédé innovant, elle génère de grande quantité d’insectes et les transforme en matières premières pour nourrir les animaux mais aussi les sols. L’entreprise commence à connaître un succès grandissant et met en place des partenariats avec des exploitations agricoles. L’élevage d’insectes pour servir de nourriture aux animaux d’élevage (comme les volailles) a un impact écologique très faible car l’intégralité de la production est valorisée pour obtenir 3 produits distincts : la farine, qui est la source de protéines de base pour l’alimentation animale, l’huile qui est riche en acide gras et qui s’adapte très bien au secteur cosmétique et les déjections qui constituent un excellent fertilisant pour les sols.

Le modèle économique d’Entomo Farm

La start-up possède un modèle d’élevage d’insectes unique au monde qui repose sur un partenariat direct avec le monde agricole. Conçu à destination des agriculteurs et des éleveurs, ce modèle a l’ambition de devenir la référence en matière d’élevage agro-industriel. L’entomo farmer (l’éleveur d’insecte) se place au cœur du processus car il assure la bonne croissance et la qualité des insectes en prenant en compte les performances économiques et environnementales.
Ensuite, leurs unités de transformation, comme celle basée à Libourne, sont spécialement dédiées à la production de matières premières à base d’insectes. Un suivi est effectué tout au long de la vie de l’insecte pour assurer la régularité qualitative et quantitative.
Entomo Farm fournit principalement les acteurs de l’alimentation animale qui sont à la recherche d’une source alternative de protéine qui n’impacte pas de manière négative l’environnement et qui ne contribue pas au changement climatique. C’est notamment pour cette raison que l’Europe a récemment autorisé les protéines d’insectes dans la nourriture pour animaux de compagnie, dans l’aquaculture et dans l’alimentation d’animaux d’élevage (principalement poulets et porcs).Par conséquent, l’alimentation humaine serait aussi envisageable. La start-up attend l’autorisation de mise en marché ainsi que les agréments sanitaires nécessaires pour que de nouvelles gammes de produits fabriqués avec des insectes puissent voir le jour.

Au vu de cet article, nous voyons très clairement que l’industrie agroalimentaire se remet totalement en question et prend des engagements sincères pour lutter contre la déforestation et le réchauffement climatique. Dekokere Olivier, un acteur de ce secteur, a toujours à cœur de découvrir de nouvelles innovations comme Entomo Farm qui propose de remédier à la déforestation en fournissant de grandes quantités de protéines à destination de l’alimentation des animaux d’élevage et des plantes.

Ynsect, l’élevage d’insectes pour l’aquaculture

Ynsect est une start up qui fournit de la nourriture à base d’insectes pour l’industrie de l’aquaculture. Elle s’est lancée dans cette aventure après avoir constaté la forte croissance mondiale que connaît depuis quelques années l’activité de l’élevage de poissons. En effet, Olivier Dekokere explique que plus de la moitié des poissons qui sont consommés sont issus de l’aquaculture. Elle s’est basée sur les chiffres de la FAO qui a annoncé une chute de l’approvisionnement de 3 millions de tonnes d’ici à 2025. L’entreprise est convaincu que leur produit phare l’ YNsect Premium sera la meilleure alternative à ce déclin.

Ce produit est également une alternative à la farine de poisson dont le prix a été multiplié par 4 depuis 15 ans. La start up rappelle elle aussi que ses insectes contiennent une quantité intéressante de protéine et d’acides gras poly insaturés. De plus, son élevage a un impact sur l’environnement vraiment très faible. Pour produire 1 kilogramme de protéine d’insecte il faut dix fois moins de surface que pour produire un kilogramme de viande. Le plus extraordinaire est que 1 kg de vers de farine contient autant de protéine qu’1 kg de viande boeuf.

Ces produits sont fabriqués à partir de larves de Molitor qui sont nourries par des co-produits céréaliers. Le molitor est la larve du Tenebrio molitor. Cet insecte est comestible uniquement lorsqu'il est une larve. Il ne se consomme pas lorsqu'il est adulte ou il prend la forme d’un scarabée. L’Ynmeal est extrêmement riche en protéines, elle en contient près de 70%. Elle est réduite sous forme de poudre et s’adapte parfaitement à l’alimentation des poissons et des crustacés. L’entreprise produit également L’YnOil, une huile premium de Molitor riche en acide gras polyinsaturés. C’est une technique mécanique qui permet d’extraire l’huile de ces larves. Le centre recherche et développement a publié de nombreuses études qui démontrent l’efficacité de ce produit.