Jean-Yves Stoquer :La capture des papillons, un art étonnant

jean yves stoquer

La collection d’insectes et plus précisément de papillons attire de plus en plus de personne, avec le temps. Ces entomologistes amateurs ou, dans les cas des amateurs de papillons, ces lépidoptéristes amateurs découvrent ainsi un monde fascinant, que ce soit par curiosité scientifique ou par attrait esthétique. Néanmoins, se constituer une collection d’insectes et les capturer demande rigueur et précision : il faut suivre un protocole, appliquer des méthodes et disposer du matériel approprié. Même s’il n’y a pas une seule méthode universelle, il y a des bonnes pratiques à suivre : c’est pour cette raison que Jean-Yves Stoquer, collectionneur de papillons, nous parle de sa passion…

L’art et la manière de chasser le papillon

Il faut bien comprendre que la « chasse » au papillon est difficilement comparable avec la chasse au sens plus traditionnel du terme. Il n’y a pas le frisson de la traque mais le plaisir de la découverte, on cherche à attraper et mettre en boîte sans abîmer, le plus calmement et précisément possible. Dans ce but, on emploie un filet (qui ressemble beaucoup à une épuisette) pour chasser les papillons de jour (on appelle ces derniers des rhopalocères) et une lampe et un drap blanc pour chasser les papillons de nuit (on appelle ces derniers des lépidoptères). Pour le filet, il s’agit simplement de faire pénétrer l’insecte dans le filet avant de tourner ce dernier pour le refermer : on privilégie généralement des filets légers et profond pour le manier facilement et ne pas endommager les insectes. Pour le drap, l’idée est d’attirer le papillon en tendant un drap blanc en-dessous d’une source lumineuse : les insectes et notamment les papillons sont alors attirés, rendus très visibles pas le drap, et il suffit de les capturer. Dans les deux cas, l’étape suivante consiste à les faire rentrer dans un bocal contenant une substance qui les tue presque instantanément : on privilégie le plus souvent le cyanure de potassium ou l’éther sulfurique).

En revanche, on peut voir un parallèle avec la chasse plus traditionnelle à travers la nécessité d’utiliser parfois des appâts. On fabrique alors un récipient avec une « miellée », c’est-à-dire une soupe de miel, qui va attirer certaines espèces très farouches mais très gourmandes. Il existe cependant des cas plus extrêmes. Le passionné cite notamment l’archipel des Moluques, où se trouvent les papillons les plus grands du monde, d’une envergure supérieure à 35 cm ! Ces papillons si particuliers sont chassés avec… Un fusil. Pour être exact, leur chasse s’effectue au fusil avec des ampoules de gaz pour les anesthésier, car ils volent en permanence à 15 ou 20 mètres du sol, pour butiner les fleurs des cocotiers. C’est d’ailleurs pour cette raison que la collecte des chenilles puis leur élevage et la capture des papillons après la métamorphose est une source importante d’obtention de papillons tropicaux, notamment parce que les chrysalides, ou les cocons, peuvent être expédiés par la poste.

La précision nécessaire pour exposer l’animal

Mettre en boîte les papillons est une autre discipline, qui demande encore plus de précision que la chasse, et au moins autant de rigueur. La mise en boîte des papillons ne peut notamment s’effectuer qu’après un passage et un traitement sur un étaloir, la planche ou on étale les papillons pendant plusieurs jours. Le but est de déployer les ailes pour rendre au maximum compte de la beauté de l’animal, de préférence avec une vue de dessous, mais Jean-Yves Stoquer concède que l’on peut exceptionnellement le faire en vue de dessous si l’on doit montrer des dessins intéressants situés de l’autre côté. Penser à la présentation finale est une part intégrante du travail du collectionneur, car sa collection n’a souvent de sens que s’il peut l’exposer.

Néanmoins, si l’on ne dispose pas de suffisamment de boîtes ou de temps pour préparer le papillon, le sympathique collectionneur estimant cette durée à environ une demi-heure par spécimen, on les conserve dans des papillotes en papier. Il est d’ailleurs amusant de noter que le mot « papillon » et « papillotes » ont une étymologie commune, alors qu’ils n’ont plus beaucoup de rapport aujourd’hui. Ces papillotes en papier sont rangées dans des boîtes hermétiques avec des boules de naphtaline, afin de les protéger de l’appétit des différents organismes qui pourraient s’y intéresser, comme des champignons ou des micro insectes. Pour rappel, on utilise notamment la naphtaline pour conserver des fourrures ou des étoffes de laines, les bases organiques attirant les insectes.

Les variétés de papillons dans le monde

Lorsque l’on démarre une nouvelle collection, il est naturel de se demander quand est-ce qu’on l’aura fini. Soit, en d’autres termes, quelle est la somme totale d’éléments que l’on peut acquérir pour sa collection, vers quel stade de possessions peut-on parler d’une collection « complète » ? Bien entendu, il existe de nombreuses collections qui n’auront jamais de fin : les philatélistes savent bien que les différentes postes du monde vont continuer à éditer de nouveaux timbres, et les collectionneurs d’éléments scientifiques, animal, végétal ou minéral, savent qu’il y aura toujours de nouveaux éléments à découvrir. Néanmoins, il est possible d’avoir un ordre d’idée au regard des connaissances actuelles.

En France, on a dénombré environ 400 espèces de papillons de jour et de 2000 à 3000 espèces de papillons de nuit, un chiffre qui comprend notamment les hétérocères qui volent à la fois le jour et la nuit. Dans le monde, on estime qu’il y a de 1000 à 1500 espèces de papillons de jour, et peut-être jusqu’à 100 000 espèces de nuits ! Les micro hétérocères rendent le calcul très complexe : non seulement ils peuvent voler aussi bien le jour que la nuit, mais surtout leur envergure n’excède pas les 2 à 4 mm ! Ils sont donc très difficiles à repérer, et encore plus à attraper. Pour faciliter leur dénombrement, les papillons sont classés en familles : les vanesses, les piérides, les argus, les sphinx, les noctuelles, les pyrales, etc… Il y a plusieurs centaines de familles répertoriées ! Ces familles sont classifiées ainsi d’après des caractéristiques anatomiques choisies, mais l’études des génomes qui se profile à l’horizon entraînera très certainement des remaniements.

La localisation des papillons dans le monde

À l’exception des pôles, qui sont l’une des très rares zones du monde où les insectes n’ont pas leur place, on trouve des papillons partout sur Terre. Mais les papillons voyagent beaucoup : ils traversent notamment l’océan Atlantique de manière fréquente, portés par ce qu’on appelle des « jet stream », des courants d’air très rapide de quelques centaines de kilomètres de large mais d’à peine quelques kilomètres d’épaisseur, le plus souvent situé entre 10 et 15 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre (on appelle cette zone la tropopause). Il leur arrive également de voyager par avion : des papillons « monarques » ont déjà été retrouvé accrochés sur les ailes de vols long courrier. De son côté, le collectionneur a majoritairement cherché les papillons en France, mais il a également profité de certains de ses voyages pour poursuivre sa collection, notamment aux Îles Canaries, au Mexique et au Guatemala, et des proches, amis ou parents, lui ont ramené des spécimens en provenance de Guyane Française et de Djibouti. Si vous voyagez et que vous avez un proche aussi passionné que Jean-Yves Stoquer, pensez-y la prochaine fois ! À noter : la biodiversité est très marquée dans les zones tropicales, en matière de papillons.

L’amour de la collection

Pour les personnes extérieures à ce genre de passion, la collection peut apparaître étrange, mais ce n’est pas le cas avec cet homme, qui se revendique collectionneur dans l’âme. Il a connu de nombreuses passions pour différentes collections : la philatélie (collection de timbres, largement popularisée par la fiction comme étant une passion de « vieux riche »), la numismatique (la collection des pièces de monnaie et des médailles, devenue une marque de noblesse à la Renaissance où de très célèbres têtes couronnées pratiquaient cet art), la collection d’armes et d’équipements militaires (où les collectionneurs se spécialisent le plus souvent pour certaines périodes précises, comme les guerres napoléoniennes ou la Première Guerre Mondiale), la collection de papillon (dont nous avons déjà longuement parlé ici) et la collection de roches et de minéraux (une collection redevenue populaire avec l’essor de la vulgarisation scientifique).

Pour le lépidoptériste amateur, cela est d’abord due à son adolescence, dans les « happy years » des années 60. Mais pour sa passion pour les papillons, il mêle à la fois une attirance esthétique de ces insectes et une véritable considération scientifique. Ingénieur de formation, spécialisé dans le bâtiment et plus précisément dans les fondations spéciales, cette collection a été un moyen pour lui de plonger dans la biologie et les sciences naturelles, où il avait de sévères lacunes, préférant à l’origine la physique, les mathématiques et l’histoire de France. C’est ce qu’il y a de beau lorsqu’on demande aux personnes de parler de leurs passions : aussi surprenantes ou précises soient-elles, il y a toujours une pulsion personnelle, quelque chose d’intime qui embellit les actes et les décisions prises par ces personnes.